"L’enfant du lac" a parlé...Retour sur une bien triste affaire ....
lundi 2 juin 2008 10h00
Dans sa chambre de l’hôpital de Nantes, le petit Antoine a appris samedi soir qu’il n’avait plus de maman. Un crime, manifestement. Les gendarmes ont retrouvé sa mère sans vie, «couchée sur le dos, baignant dans son sang, frappée de plusieurs coups à la tête» selon le procureur de la république de La Roche-sur-Yon, Pierre Sennes. Avant cette découverte, l’enfant avait lui aussi failli mourir. Hier matin, il l’a révélé aux enquêteurs: c’est Cédric, l’ami de sa mère, qui l’a embarqué en pleine nuit, en voiture, pour aller le jeter à l’eau depuis le ponton donnant sur le lac d’Apremont (Vendée). Petit ami de sa mère, ce mécanicien d’une trentaine d’années, de la communauté des gens du voyage, a été interpellé hier à 13 h 30, quelques heures après avoir été mis en cause par le garçon. Séparé depuis plusieurs années de la mère d’Antoine, son père, qui réside en région parisienne, a été informé hier au téléphone par les enquêteurs.
Pyjama.
Tout commence vendredi matin quand le bambin est découvert à Apremont, à trente kilomètres de Bois-de-Céné (Vendée) où il vit avec sa mère. Antoine n’est alors qu’un visage cerné d’interrogations. Celui que les enquêteurs appellent «l’enfant du lac» faute de pouvoir l’identifier. Huit ans, dix ans ? Français, étranger ? L’enfant est dans le coma. Sauvé in extremis de la noyade par un promeneur, il a été trouvé vêtu de son pyjama, et portant des chaussons à l’effigie de Gaston Lagaffe. C’est tout.
C’est un chien qui l’a repéré, à 6 h 20. Sur la rive de ce lac de barrage, base de loisirs nautiques, l’animal se met à aboyer en direction de l’eau en reculant, l’air inquiet. Jean-Claude Drevet, retraité aux habitudes matinales, entend des gémissements et aperçoit un corps flottant à quelques brasses du bord du lac. Flottant ? C’est un des premiers mystères. L’enfant est en pyjama beige, et il flotte effectivement sur le dos, sans bouger, les bras en croix, comme s’il faisait volontairement la planche. Ce qui pourrait ressembler à un incroyable réflexe dicté par l’instinct de survie. «La position est très étonnante, et pas très normale», reconnaît le commandant Bertrand Depierre, officier de communication de la gendarmerie.
L’eau est froide. L’enfant a bu la tasse, mais n’a pas coulé. Le promeneur entre dans l’eau. Là où est l’enfant, à six ou sept mètres de la rive, Jean-Claude Drevet a encore pied. Il le ramène au bord, le couvre de sa veste et court prévenir un voisin pompier. Huit minutes plus tard, quand les secours prennent en charge l’enfant, il est en hypothermie, le corps à 27 ° C et un litre d’eau dans les poumons. A l’hôpital, il reste entre la vie et la mort, plus de vingt-quatre heures dans le coma. Les gendarmes diffusent son portrait, les yeux clos sur son lit d’hôpital, le tuyau d’une perfusion à la bouche, cernée par deux bandes de sparadrap.
Aucune famille, aucun centre de loisirs ne le réclame. Pas la moindre disparition signalée. Les recherches démarrent par un porte-à-porte. Ce visage ne dit rien aux habitants du coin. A son réveil, l’enfant donne son nom, son âge, 8 ans à peine, et dit où il habite. Bois-de-Céné, 1 500 âmes, en plein marais. Son grand-père, Michel Deriez, est le maire du village depuis sept ans, sous l’étiquette Chasse, nature, pêche et tradition, récemment réélu. Les gendarmes foncent jusqu’à la maison d’Antoine et de sa mère, Anne Deriez, qu’ils retrouvent morte.
A l’écart du bourg, la maison a l’allure typique des bâtisses locales, tuiles rondes et murs bien blancs, posée sur le marais, au ras du paysage. Aide-soignante à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Anne Deriez a 30 ans, tout le monde la décrit comme «calme» et «discrète».
Mécanicien, son petit ami a travaillé dans un garage à Bouin (Vendée), à 90 km de là. «Un couple sans histoires, selon Gilles Musset, conseiller municipal. On a beau être dans une petite commune où tout le monde se connaît, on ne rentre pas dans la vie privée des gens.» Il ne le sait pas mais le couple s’est séparé il y a une quinzaine de jours. Une séparation apparemment alors aussi sans histoire, rapporte le commandant Depierre. «On essaie de soutenir Michel, le maire. Son obsession, c’est de revoir son petit-fils qui disait toujours "mon papy, c’est le plus fort"», ajoute Gilles Musset.
Autopsie.
Avec Antoine, rescapé imprévu d’une folle nuit, Cédric est désormais le personnage-clé de l’enquête. Pour les gendarmes, il est le «témoin n°1» et non pas le «suspect n°1», même si sa courte disparition ne plaide pas en sa faveur. Il a été entendu hier comme témoin. Les gendarmes en sont persuadés, l’enfant n’aurait pas assisté à l’altercation ni à la mort de sa mère. Le médecin légiste a fait les premières constatations sur le corps samedi soir. Une autopsie est prévue aujourd’hui.